Comment Pauvre Jean roula le Malin et autres fabliaux by Gudule

Comment Pauvre Jean roula le Malin et autres fabliaux by Gudule

Auteur:Gudule [Gudule]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Nathan
Publié: 2013-06-14T22:00:00+00:00


Les tentations de l’ermite

Un ermite vivait au sommet d’une montagne, dans le dénuement, la solitude et la prière. Le Diable vint à passer. Irrité par tant de vertu – car rien n’incommode plus le prince des Ténèbres qu’une âme sans souillures –, il se jura de faire pécher le saint homme.

Afin d’avoir les coudées franches, il prit l’apparence d’un pèlerin et s’en fut lui demander asile. L’ermite l’accueillit comme on accueille un frère.

– Je n’ai, pour nourriture, qu’un peu de soupe et un quignon de pain sec, lui dit-il. Mais je te les donne de bon cœur.

– Et toi ? s’étonna le Diable.

– Je jeûnerai, pour l’amour de Dieu.

Le Diable mangea le frugal repas ; l’ermite jeûna. Et quand vint l’heure de se coucher :

– Prends mon lit, dit l’ermite. Ce n’est qu’une paillasse d’herbe sèche, mais je te la prête de bon cœur.

– Et toi ? s’étonna le Diable.

– Je veillerai, pour l’amour de Dieu.

Au matin, le Diable se plaignit du froid.

– Prends mes habits, dit l’ermite. Ils sont élimés, mais je te les offre de bon cœur.

– Et toi ? s’étonna le Diable.

– J’irai nu, pour l’amour de Dieu.

Le Diable, qui n’avait jamais vu semblable piété, décida de ruser.

– Je ne suis pas un pèlerin, avoua-t-il, je suis un roi. Et ma visite n’avait pour but que de t’éprouver. À présent, je sais que ta réputation n’est pas usurpée. Demande-moi ce que tu voudras, je te l’accorderai.

– Je ne veux rien, dit l’ermite.

– Un peu d’or te permettrait d’avoir une maison décente, de bons repas, quelques serviteurs dévoués, insista le Diable. Il n’y a aucun mal à jouir des trésors que Dieu lui-même a créés !

– L’or est cause de grands désordres dans le cœur des hommes, répondit l’ermite. Comme trésors, le soleil, la lune et les étoiles me suffisent.

– Et une femme ? reprit le Diable. Une épouse docile qui te caresserait, te murmurerait de tendres paroles et prendrait soin de toi ? Il n’y a aucun mal à jouir de plaisirs que Dieu lui-même a créés !

– Les femmes sont cause de grand désordre, dans le cœur des hommes, répondit l’ermite. Comme plaisirs, le chant des oiseaux et le parfum des fleurs me suffisent.

À bout d’arguments, le Diable soupira :

– Daigneras-tu au moins trinquer avec moi pour me prouver ton amitié ?

L’ermite réfléchit.

« Si je refuse encore, je peinerai mon invité, se dit-il. Ce serait trahir les lois sacrées de l’hospitalité. Et d’ailleurs, pourquoi le ferais-je ? Qu’y a-t-il de plus inoffensif qu’un verre de vin ? »

Il accepta donc.

Le Diable, ravi d’être arrivé à ses fins – car il savait, pour l’avoir mille fois expérimenté, que la boisson engendre tous les vices –, lui servit une large rasade.

Mais en portant le verre à ses lèvres, l’ermite eut une prémonition. Il se vit, sous l’emprise de l’alcool, livré à ses plus bas instincts : l’une des pieuses femmes qui venaient chaque jour déposer un peu de lait devant sa porte s’étant approchée, il la disputait sans raison.



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